Friday, November 19, 2004

Ivan Rioufol parla d’Oriana Fallaci

Le Figaro, 19/11/2004.

Les sacrilèges de Fallaci

Laisser dire Oriana Fallaci, bien qu’elle parle sans nuance et qu’elle blesse. Ce qu’elle écrit dans son dernier livre, La force de la raison (Éditions du Rocher) qui sort aujourd’hui après avoir été vendu à 900.000 exemplaires en Italie, est de l’ordre du sacrilège: «L’Europe devient toujours davantage une province de l’Islam, une colonie de l’Islam. Et l’Italie, un avant poste de cette province, un point de repère dans cette colonie». Fallaci va faire hurler. Mais la France doit être capable d’entendre ces paroles excessives et brutales, comme ont su le faire les douze autres pays dans lesquels le livre est déjà sorti.

La journaliste italienne rappelle ce que le président algérien Boumedienne avait déclaré en 1974 devant l’assemblée de l’ONU: «Un jour, des millions d’hommes quitteront l’hémisphère sud pour faire irruption dans l’hémisphère nord. Et certainement pas en amis. Car ils y feront irruption pour le conquérir. Et ils le conquerront en le peuplant de leurs fils. C’est le ventre de nos femmes qui nous offrira la victoire». Fallaci décrit le quartier d’Albaicin, à Grenade (Espagne) devenu «un État dans l’État, un fief islamique». Elle décrit Marseille qui «en substance, n’est plus une ville française. C’est une ville arabe, une ville maghrébine».

Ses accusateurs retiendront ses propos à l’emporte pièce sur «la France islamisée» ou ceux qui lui font écrire: «sur cette planète, personne ne défend son identité et ne refuse de s’intégrer autant que les musulmans. Personne. Parce que Mahomet l’interdit, l’intégration. Il la punit. Si vous ne le savez pas, jetez un regard sur le Coran». Ou encore: «(c’est) s’illusionner en croyant qu’il existe un bon Islam et un mauvais Islam, (c’est) ne pas comprendre qu’il n’existe qu’un seul Islam». Ses coutumières intransigeances, qui refusent de distinguer entre islam et islamisme, ne laissent place à aucune ouverture, aucune compassion, aucune confiance. Son livre est désespérant.

Mais demeure ce qu’il faut bien décrire avec des mots : cette importante présence musulmane en Europe, qui partout éprouve les mêmes difficultés à s’intégrer aux pays d’accueil, y compris et surtout dans la très tolérante Hollande qui a vu l’élection, lundi soir par des milliers de téléspectateurs de la télévision publique, de Pim Fortuyn (leader populiste critiquant l’Islam, assassiné en 2002 par un écologiste) comme «le plus grand Néerlandais de tous les temps», avant Erasme et Rembrandt. Et là se justifie, malgré ses outrances, la résistance de Fallaci: dans le refus des résignations et des aveuglements. Elle en appelle à «la réflexion, au bon sens, à la Raison». Elle n’en donne guère l’exemple. Mais c’est là qu’il faut l’écouter.

Question sur une interprétation historique

Encore deux mots sur Fallaci. Pour constater qu’elle reprend dans son livre la thèse, déjà soutenue par la spécialiste de l’Islam, Bat Ye’or, d’un rapprochement entre l’Europe et le monde arabo-musulman, imposé par ce dernier après le choc pétrolier de 1973. Selon cette interprétation tranchée, l’Europe se serait liée dès les années 70 aux pays arabes afin d’acheter sa propre sécurité pétrolière, en soutenant leur politique vis-à-vis d’Israël et en s’ouvrant à une main d’œuvre musulmane. Cette immigration aurait été accompagnée, selon les documents avancés par Bat Ye’or, d’accords culturels reconnaissant notamment «la contribution historique de la culture arabe au développement européen et soulignant l’apport que les pays européens peuvent encore attendre de la culture arabe, notamment dans le domaine des valeurs humaines». Il serait utile que cette explication historique, à priori sommaire, puisse être contredite.

0 Comments:

Post a Comment

<< Home